Elles font la culture

Introduction

Les femmes photographes aujourd’hui subissent aujourd’hui, dans leur rapport avec leurs clients des pressions sur les prix, sur l’étendue des droits à céder. Elles font face à des remarques sur la qualité de leur travail, sur leur professionnalisme. C’est inadmissible.

Mais leurs homologues masculins sont confrontés aux mêmes problématiques. On leur dit, à eux aussi, qu’ils sont chers payés pour “appuyer sur un bouton”, que “avec un appareil comme ça, on doit faire des bonnes photos”, que l’entreprise ne veut pas “s’embêter avec le droit d’auteur et qu’elle veut tous les droits”... ?

Ce dénigrement est inhérent à votre profession, et il vous appartient d’y mettre un terme avec autorité. Vous y parviendrez en vous positionnant comme une professionnelle, dans votre relation client. Vous trouverez ici quelques pistes qui vous aideront à structurer votre processus de création, depuis la demande initiale jusqu’à la livraison et au paiement de vos droits.


En détails

  • Établissez un devis

Un devis se prépare en fonction de multiples critères : la difficulté / technicité du travail demandé, le matériel requis, le temps / l’énergie / les frais consacrés à ce travail, les prix du marché, votre valeur relative sur ce marché, le budget de votre client (qui dépend lui-même de sa taille, de sa richesse, de l’importance du projet à ses yeux...) et surtout vos capacités de négociation commerciale.

Établir un devis avec justesse et précision nécessite que vous ayez fait le point sur la demande de votre client, que vous sachiez exactement ce qu’il demande et pourquoi il fait appel à vous. Aussi, ne donnez jamais de prix sans y avoir réfléchi auparavant. Proposez de revenir vers votre client, et adressez-leur un devis détaillé par écrit.

Rédigez votre devis de manière à ce qu’il soit juridiquement conforme en y incluant le plus de détails possibles de manière à vous couvrir en cas de mauvaise foi du client. Pour ce faire, pensez à tout ce qu’un client malveillant pourrait utiliser comme faille de votre devis pour vous flouer, et inscrivez dans le document un élément qui prévient ce risque.

Indiquez toujours les droits que vous cédez : exposition, reproduction ? Pour quels usages ? Pour combien de temps ? Budgétez en conséquence. Il existe des barèmes indicatifs qui vous permettent d’avoir une idée de la valeur relative d’une cession par rapport à une autre. Utilise ceux de l’UPP, dont la version 2022 vient d’être éditée.

Si le client demande une réduction de votre devis, réduisez votre prestation en conséquence. Expliquez que s’il a un budget, vous en avez un aussi, comme tout professionnel.

Enfin, faites signer le devis. Un devis signé a valeur de contrat et engage votre client. Et s’il prévoit des acomptes ou des arrhes, cela engage le client bien plus encore...

  • Rédigez et transmettez à votre client vos conditions générales de vente.

Vous devez les lui communiquer en même temps que votre devis pour qu’il les signe (en général au verso). Les CGV encadrent

- les conditions de commande, d’exécution de votre prestation et de facturation,

- les remboursements de frais,

- les cession de droit,

- les droits à l’image,

- les conditions de livraison et de règlement,

- les responsabilités....

Vous DEVEZ en rédiger et les joindre à votre devis.

  • Usez de pédagogie pour expliquer le régime de la cession de droit

Le régime des cessions de droit n’est pas inné pour une entreprise dont ce n’est pas le cœur de métier. Il vous faudra, pour vaincre les réticences de votre interlocuteur, user de pédagogie. Expliquez que le “libre de droit” traduction du “copyright” anglo-saxon, n’est pas légal en France. Que si une chaîne de magasins veut utiliser une musique dans ses points de vente, elle devra payer pour chaque diffusion, que lorsque les cinémas projettent un film, ils paient à chaque projection. Dites que pour les images... C’est pareil. Questionnez votre client sur les usages prévus pour vos photos et expliquez-lui que les autres nécessiteront une cession complémentaire.

Expliquez le fonctionnement du 1,1% diffuseur. Accompagnez votre client sur la plateforme URSSAF dédiée si nécessaire. Elle est assez intuitive. Chez les gros clients, le service comptabilité est chargé de ces démarches. Cela fait partie de leur travail, et ils doivent la connaître. N’ayez pas d’état d’âme. C’est une obligation pour eux, comme de déclarer leurs salariés ou leurs bénéfices.

  • Soyez irréprochable dans l’exécution de vos obligations contractuelles.

Communiquez par mail en maintenant à chaque étape de la relation un langage de professionnelle.

Arrivez en avance sur les lieux du shooting pour être prête à l'heure, faites un repérage précédemment si nécessaire.

Faites éventuellement un compte rendu de la séance et indiquant les prochaines étapes.

Rédigez votre facture conformément à la réglementation. La facture est un document très normé. Respectez-en scrupuleusement la forme et incluez-y les mentions obligatoires.

Livrez votre sélection d’images (le nombre convenu) déjà retouchées et dans un format adapté à l’usage qui en sera fait, en y ajoutant votre facture et (à nouveau) vos CGV.

Ne craignez pas d’indiquer la date d’échéance du paiement, et de relancer quelques jours avant cette date si vous n’avez pas été payée

Tenez à jour le contenu et la durée des cessions de droit sur vos images, et relancez par mail vos clients avant la fin du délai pour savoir s’ils souhaitent une cession complémentaire pour l’année ou les années à venir. Facturez-les.

D’une manière générale, vos clients voient les photographes comme des artistes qui facturent très cher leurs images, et ils s’estiment généreux de faire appel à vous alors qu’ils pourraient utiliser les photos des banques d’image. Et pourtant, ils ont choisi de travailler avec vous, parce qu’ils cherchent des photos qui le démarquent de leurs concurrents, qui mettent en valeur leurs services ou leurs produits. Ils ont réellement besoin de vous, de votre œil et de vos compétences.

En vous positionnant comme une professionnelle, une femme d’affaire, vous l’aiderez à se dire qu’il fait le bon choix, vous l’aiderez à vous payer mieux et plus rapidement. Et rappelez-vous toujours que ce qui va sans dire... va mieux en le disant. En le disant au plus tôt, de manière précise et professionnelle et au bon interlocuteur.


Autrices, Auteurs

Stéphanie de Roquefeuil, Union des photographes professionnels